Une lettre d’Ester Nadal

« Les États tombent, les rivières et les montagnes demeurent ; le nouveau printemps recouvre d’herbe le château « 

DU FU (712-770)

Le Bide et le Vide, deux sentiments aussi inconfortables qu’actuels.

En novembre 2019, j’ai participé à des journées de performance à WIPCOOP – Work In Progress Cooperation – à Bruxelles, organisées par MESTIZO ARTS PLATFORM (MAP). Nous avons rencontré des femmes de différentes villes : Berlin, Londres, Bruxelles,… pour construire des ponts et tisser des liens pour échanger des projets.

Lors des présentations des spectacles, j’ai été frappée par le projet de deux sœurs jumelles – Nathalie et Doris Bokongo, qui forment le collectif Les Mybalés – vivant à Bruxelles et d’origine congolaise. Je les ai immédiatement associées à deux sœurs jumelles catalanes et à des artistes ghanéens. J’étais curieuse de savoir quelles étaient les similitudes, les tangentes et les différences entre ces quatre femmes. Après un début qui semblait nous conduire à un projet de recherche intéressant, les sœurs catalanes ont abandonné le projet dans un silence qui nous a laissés, du moins moi, très perplexes. Et grâce à l’attitude accueillante et enrichissante de Tine De Pourcq (MAP), nous avons transformé ce sentiment de vide, et je pourrais aussi dire d’échec, en un élément de réflexion pour transformer le sentiment et l’expérience en matériel fructueux.

Nous avons commencé une recherche artistique avec Nathalie, Doris, Tine et moi. A distance par Zoom (novembre 2020 – février 2021), puis à Anvers (14-21 mars) et nous poursuivons à Barcelone en mai….

L’échec comme point de départ nous amène à l’idée du clown, mais le clown comme attitude face aux événements avec l’ahurissement et le regard écarquillé, l’absence de mots pour une bouche entrouverte, et cette tristesse qui suscite un sourire compréhensif et plein de pitié.

L’autre sentiment que nous avons ressenti est le sentiment de vide lorsque vous êtes abandonné, lorsque quelque chose vous est arraché ; le vide après la perte. Le sentiment que tant de gens ont éprouvé en cette période d’incertitude pendant la pandémie et le confinement, lorsque l’humanité tout entière réexaminait ses valeurs et ses méthodes, sans trouver beaucoup de réponses ou d’explications à sa place.

C’est dès l’enfance, la petite enfance elle-même, que nous cherchons naïvement à explorer le sens du vide et de la vacuité. Non pas d’un point de vue psychologique, bien sûr, mais plutôt par un regard intérieur sur nos souvenirs d’enfance, comme le Voyage de Bashô, ou le chemin proposé par Jacques Lecoq pour retrouver le Clown lui-même.

Ester Nadal

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